Georgina André, urbaniste-chercheur à l’agence, nous parle de sa thèse de géographie en décodant pour nous, tous les 15 jours, une image de Wuhan.
« Si la Chine de Mao classait la société en « catégories rouges » et « noires », l’époque des réformes fait émerger de nouvelles stratifications sociales. Une des plus importantes est la distinction entre venir « d’ici », c’est-à-dire de Wuhan, ou venir « d’ailleurs » : pourquoi est-ce si important ?
Si vous venez d’ailleurs vous n’aurez de facto pas accès aux mêmes avantages sociaux que ceux « d’ici » (éducation, assurance maladie…) expliquant que de nombreux résidants, comme ce couple d’agriculteurs venant de la province voisine de l’Anhui, émigrent de manière temporaire ou permanente sans leurs enfants, qu’ils laissent souvent dans leur ville ou village d’origine sous la supervision de leur grands-parents. Si vous venez d’ailleurs, vous n’aurez pas non plus accès au même logement que les « gens d’ici » : vous êtes souvent locataire d’un petit appartement dans des quartiers vétustes. Autrement dit, dans une ville comme Wuhan en pleine politique de rénovation urbaine, votre logement a une chance d’être détruit à un moment ou à un autre, sans possibilité d’indemnité pour vous car vous n’êtes que locataire…à la différence des propriétaires qui, selon les caractéristiques de leur logement, perçoivent une indemnité d’expropriation. Malgré les nombreuses réformes visant à assouplir ce statut, cette différence d’origine reste un fort catalyseur d’inégalités sociales. »
En photo ci-contre, un couple d’agriculteurs de l’Anhui habitant dans un quartier ancien de Wuchang en 2016. Depuis le quartier a été rasé pour un projet de rénovation urbaine.
« Chaque année nous faisons avec mon mari l’aller-retour de l’Anhui à Wuhan. Nous restons dans l’Anhui pour la saison des récoltes, puis revenons ici pour travailler. Nos deux enfants de 6 et 4 ans sont dans l’Anhui. Nous gagnons avec nos galettes 2 000 yuans par mois et nous payons un loyer de 1 200 yuans (dont 600 yuans pour le local commercial). »
Pour en savoir plus sur la thèse de Georgina André, consultez l’actualité : Wuhan, regard d’une géographe