Comment définit-on la recherche ?
PIERRE CLÉMENT
On est dans des métiers créatifs, alors on a tous l’impression qu’on fait de la recherche tout le temps. Mais ce n’est pas parce qu’on fait des projets qu’on réfléchit et qu’on recherche. C’est la différence entre un travail de recherche et de recherche scientifique. La recherche scientifique est extrêmement exigeante, méthodique, très approfondie et nécessite du temps et de la liberté. C’est tout à fait l’inverse de nos métiers qui sont toujours dans l’urgence, sur des projets précis, avec des commandes, avec des clients. Il est nécessaire de définir un protocole, un état de l’art et une méthodologie que les gens peuvent suivre et reproduire. Donc, l’objectif est de produire de la connaissance scientifique qui peut être utile à d’autres. En un mot, ces travaux de recherche sont fondés sur les questions qu’on se pose dans le projet, mais qu’on ne peut pas résoudre par le projet.
Est-ce-que les métiers de la conception (architectes, urbanistes, paysagistes, architectes d’intérieur) sont bien placés pour faire de la recherche ?
ABBES TAHIR
Ils sont au centre de gravité des mutations qui s’opèrent sur les dimensions patrimoniales environnementales, économiques et sociétales. Ils sont le témoin de notre époque et plus encore aujourd’hui où les défis sociaux et écologiques sont au cœur de nos préoccupations. Chacun se nourrit du monde qui l’entoure par son approche pluridisciplinaire qui mêle à la fois l’histoire, la sociologie, la philosophie, la technique, l’expérimentation. Tout est véritablement au cœur de notre action.
ANTONIO FRAUSTO
L’architecte n’a pas, par nature, la formation et la culture de la recherche. L’architecte est là pour résoudre des problèmes, pas pour se poser des questions fondamentales aux scientifiques ou sur des sujets de société. Ceci dit, l’architecte est une personne curieuse et qui a aussi le goût de travailler de façon transversale. Un architecte est un généraliste, il a une base de connaissances sur pas mal de domaines et approfondit rarement sur un sujet comme un chercheur pourrait le faire. Je pense que cette nature curieuse peut transformer un architecte qui n’a jamais fait de recherche en chercheur plus ou moins compétent, à condition de lui donner les moyens de le faire.
Pourquoi faire de la recherche chez Arte Charpentier ?
ANDREW HOBSON
En étant architecte, nous faisons partie d’une profession réglementée, une profession qui a des codes de pratiques et une déontologie. Alors, l’ADN de cette profession ne nous encourage pas à sortir des sentiers battus, à prendre des risques. Néanmoins, et malgré ce contexte, la profession s’est toujours intéressée à la recherche et dans de multiples domaines. Et il y a tant à faire… Sur les nouveaux matériaux, les nouveaux usages, l’évolution des mœurs, le vieillissement de la population, l’intelligence artificielle, le changement climatique… tellement de sujets qui doivent être assimilés par nos métiers avant de trouver la bonne application, il faut nécessairement investir du temps dans un travail de recherche pour trouver des réponses à des questions nouvelles.
PIERRE CLÉMENT
Oui, il y a là des évolutions très fortes qui nécessitent d’anticiper des problèmes que l’on aura dans le futur et d’anticiper les solutions originales qu’on aura à mettre en œuvre. Pour ça, il est évident qu’il est très important de développer la recherche. Ces recherches, elles doivent être faites avec des partenaires : maîtres d’ouvrage, partenaires industriels, aménageurs. Faire de la recherche, c’est préparer l’avenir
ANTONIO FRAUSTO
Dans une structure comme la nôtre, la recherche renforce une culture pluridisciplinaire et crée des passerelles entre les différents métiers. La recherche peut devenir la colonne vertébrale du travail qu’on réalise.
JÉRÔME LE GALL
Cela permet aussi d’initier une forme de créativité liée à de nouveaux concepts. Et cette créativité, ensuite, il faut la retranscrire dans nos projets. Cette recherche concerne tout le monde, à tous les échelons de l’agence puisque c’est aussi se projeter, essayer d’améliorer, trouver de nouvelles idées pour nos métiers.
STÉPHANIE SIAC
L’agence existe et se renouvelle depuis plus de 50 ans. En fait, grâce à une longue tradition de recherche soutenue par un état d’esprit ouvert et perméable à la remise en question de ses certitudes. Pour nous, la démarche de recherche maintient une vigilance attentive et favorise aussi la capitalisation de nos connaissances. Parfois qui peut même être critique si besoin … Au risque sinon d’une banalisation de la production l’agence. C’est aussi l’idée de se doter d’un avantage compétitif clef sur ces domaines et dynamiser l’accès à la commande future.
ABBÈS TAHIR
Oui, la recherche permet de développer l’innovation et de fédérer l’ensemble des métiers qui composent la sphère de l’architecture, à la fois de la construction et du cadre de vie. C’est pour cela je pense, que l’architecte est bien placé pour faire de la recherche. La recherche dans nos métiers apporte de la visibilité, et elle nous permet d’avoir un vivier de solutions innovantes.
Notre taille d’agence nous permet de jouer le rôle d’incubateur des jeunes talents et de les attirer chez nous pour leur permettre de poursuivre des thèmes de recherche qui nous préoccupent.
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Sophia Verguin Architecte doctorante, chargée de recherche
THESE
« Le centre commercial de demain : une centralité en devenir ? S/Chopping malls, La nouvelle fabrique de la cité » – co-direction Université du Mans (ED STT, ESO Le Mans) et Université de Paris (ED 131, CERILAC)
FORMATION
Architecte H.M.O.N.P. – École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville (2019)
Diplôme d’État d’architecte – mention Recherche – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville (ENSAPB) (2018)
Licence d’architecture – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais
Autre formation : Cours du soir en histoire des sciences et techniques à l’Ecole du Louvre. (Techniques des bronzes & des céramiques, vitraux, orfévrerie, etc.) (2017)
PRIX
Prix du meilleur mémoire d’architecture (2018) – « Confiner in fine ? : les laboratoires de sciences expérimentales au Collège de France » – décerné par la Maison de l’architecture Ile-de-France
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Yang Liu Architecte, Docteure, Responsable du pôle R&D
FORMATION
Architecte H.M.O.N.P – IPRAUS, École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville (2016)
Doctorat en architecture – École doctorale «Ville, Transports et Territoires» – Université de Paris Est, Paris-France (2014)
Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement en architecture – École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville (2009)
Master en Théories et Histoire de l’Architecture – Université de Tongji, Shanghai-Chine (2007)
Licence en Architecture – Université de Tongji, Shanghai-Chine (2004)
ENSEIGNEMENT
Chercheure associée et enseignante à Paris Belleville
PUBLICATIONS
Jinshan, une ville nouvelle dans la métropole de Shanghai, 2018, Presses Universitaires de Rennes