A la recherche de la juste mesure : une définition de l’architecture modulaire
Penser l’architecture en termes de modules revient d’abord à se poser la question de la juste mesure. Quelles sont donc les bonnes dimensions, les bonnes proportions pour l’homme, pour son mode de vie, pour son corps et ses mouvements ?
La modularité est depuis longtemps au cœur de la pensée architecturale. Trame géométrique abstraite ou simples éléments constructifs de base à assembler, l‘architecture modulaire fixe les règles du jeu pour le projet architectural que ce soit dans les villas palladiennes ou dans les maisons japonaises ordonnées par la disposition précise des tatamis
Plus récemment, le mouvement moderne et l’accélération des innovations technologiques au XXème siècle ont offert de nouvelles perspectives à travers l’industrialisation des procédés de constructions. La standardisation et la préfabrication ont ainsi marqué la production des trente glorieuses au risque parfois d’un appauvrissement de l’expression architecturale.
Les défis de la sobriété carbone
Aujourd’hui, alors que le gouvernement s’apprête à mettre en place la nouvelle règlementation RE2020 en janvier prochain, la sobriété énergétique et la prise en compte de l’impact carbone dans le cycle de vie des matériaux deviennent plus que jamais incontournables dans notre conception architecturale. Face à ces enjeux de développement durable, la construction modulaire présente de nombreuses vertus.
Outre la structure, la préfabrication investit de nombreux champs de la construction tels que les façades, les salles de bains ou les gaines techniques. Si la réduction des coûts et des délais nous vient d’abord à l’esprit, la préfabrication en usine offre de nombreux avantages en termes de qualité, de durabilité et de gestion des ressources.
Le contrôle qualité tout au long du process industriel permet de garantir une bonne qualité dans les finitions. En hôtellerie ou en hébergement, la préfabrication des salles de bains permet de conjuguer qualité d’exécution et gain de temps puisque les éléments préfabriqués sont produits en parallèle du chantier pour être ensuite transportés in-situ.
Le process industriel offre des conditions plus propices à la mise en œuvre de matériaux vertueux (biosourcés, recyclés, locaux) et les nouveaux outils numériques du BIM permettent une plus grande synergie entre concepteurs et fabricants pour une utilisation optimisée des ressources.
Penser le projet architectural en un assemblage de macro-éléments permet aussi d’anticiper à terme la déconstruction et le réemploi des matériaux.
L’architecture modulaire au service de l’évolutivité
Nous avons récemment répondu avec Vinci Construction et Edeis à une consultation pour la construction d’hébergements militaires classés E3 C1 à travers toute la France.
Lancé par le ministère des Armées, cet appel d’offre visait à apporter une réponse homogène et standardisée à ses besoins croissants en matière d’hébergement. L’enjeu était de renouveler un parc de logements vieillissants et de rendre plus attractif le cadre de vie des militaires.
Le caractère inédit de cette consultation s’est révélé pour nous comme une opportunité d’aborder la conception architecturale sous un autre angle et d’explorer le potentiel du système constructif « Habitat Colonne » que Vinci Construction développe depuis quelques années.
L’armée avait structuré son programme fonctionnel autour de la standardisation des espaces et plus particulièrement des chambres. Chaque bâtiment était un assemblage de modules de mêmes dimensions (5m x 3m25) appelés « espaces élémentaires ». Ces modules constituaient également une trame structurelle dense en poteaux-dalles qui nous permettait alors de nous affranchir des poutres et des voiles béton et de permettre des évolutions. Les modules pouvaient accueillir différents types de programmes (chambres, douches, vestiaires, bureaux, locaux techniques…) et était de fait interchangeables grâce notamment à la conception des réseaux techniques.
La construction hors site était fortement encouragée par le maître d’ouvrage qui souhaitait minimiser les délais comme les interventions in-situ. L’équipe a travaillé avec Arbonis, une filiale Vinci spécialiste de la construction bois pour mettre au point le système de façade à ossature bois (FOB). L’enjeu était d’imaginer un module de façade fabriqué hors site qui puisse être généralisé sur tout le bâtiment tout en exprimant une identité et une qualité architecturale forte et en cohérence avec le site.
Ainsi l’inertie thermique était assurée par la structure en béton quand l’enveloppe offrait une isolation très performante et biosourcée. Un jeu d’options et de finitions permettait de nous adapter quelle que soit la nature du site (en ville, en forêt, en banlieue, en montagne…), le tout dans une approche bas carbone pour répondre aux objectifs Carbone 1 du E+C-. A l’instar de la construction traditionnelle, la construction modulaire nous a ainsi permis de proposer une grande diversité architecturale dans notre réponse.
Dans un monde en mouvement où les villes connaissent des évolutions de plus en plus rapides et imprévisibles, la conception modulaire libère de nombreux champs des possibles pour faire converger réversibilité, efficacité énergétique et construction bas carbone dans nos créations architecturales.
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Quentin Groslier Architecte, Associé
FORMATION
École d’Architecture Paris- Villemin (reçu avec les félicitations du jury).
Projet de fin d’études : « Affronter les risques urbains : un centre de secours en zone péri-urbaine. »