Comment la crise sanitaire révèle le besoin d’une nouvelle adaptabilité
A la sortie du confinement, le constat est unanime : nos logements manquent de générosité, de luminosité, d’accès à un espace extérieur (jardin, terrasse, balcon, loggia, …), de flexibilité. Nos immeubles de bureaux sont devenus obsolètes face aux nouveaux modes de travail. Nos villes manquent de « vide », de respiration, de confort, d’aménités rendant la densité acceptable. En bref, l’architecture et la ville telle que nous la connaissons et la pensons manque d’adaptabilité.
Les fonctions « habiter » et « travailler » sont plus que jamais étroitement liées et la crise sanitaire n’a fait que renforcer les tendances préexistantes comme le télétravail et mettre en évidence les limites du modèle de design des immeubles de bureaux face aux mesures barrières et impératifs de distanciation sociale. Nos logements n’ont plus vocation à répondre uniquement à un usage résidentiel et l’architecture des immeubles de bureaux doit intégrer davantage qu’une simple occupation diurne liée au travail. Il nous faut repenser nos modèles d’organisation (habiter, travailler, se déplacer, consommer…) et imaginer une architecture réversible et adaptable (temporaire ou définitive en fonction du contexte) en écho à l’évolution de nos besoins et usages.
La crise sanitaire se double d’une crise du logement et environnementale
Face à la pénurie de logements en France et aux défis environnementaux du secteur de la construction, la réversibilité devient donc un atout majeur de l’économie circulaire autant du point de vue de la construction éco-responsable que du point de vue du recyclage du foncier et de la lutte contre l’étalement urbain.
Confrontés à l’obsolescence de plus en plus rapide des immeubles de bureaux, les promoteurs et bailleurs initiateurs de ce type de projets sont en constante croissance. C’est dans les grandes villes qu’on les voit le plus agir car la rentabilité du logement s’y rapproche de celle du bureau et les dynamiques complémentaires de surproduction de bureaux et de déficit chronique de logements s’y font sentir.
Quelles sont les problématiques de la réversibilité des immeubles de bureaux en logements ?
En préambule d’une recherche sur la réversibilité bureaux/logements, il convient de s’intéresser aux opérations qui ont déjà vu le jour dans le domaine de la transformation de bureaux en logements afin d’en comprendre les difficultés et d’identifier les points de vigilance.
En s’appuyant notamment sur l’analyse de l’APUR sur « La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 2012 » on peut dégager trois grandes typologies de reconversions : les bâtiments historiques antérieurs à 1900 (notamment le tissu haussmannien), les bâtiments issus des années 40 à 70 et les bâtiments datant d’après les années 80.
BÂTIMENTS HISTORIQUES :
Ces bâtiments ont bien souvent déjà opéré une conversion de logements en bureaux avant de revenir au logement. Ils ont donc de fait des caractéristiques dimensionnelles qui s’y prêtent bien : épaisseur de 6 à 14m en double orientation, hauteur sous plafond de 2,20m à 4m et percements de façades déjà propres aux plans de logement. Sur rue les façades en pierre imposent une isolation par l’intérieur, et sur cour les façades moins travaillées en enduit permettent une isolation par l’extérieur. La reprise des toitures avec lucarnes ou chiens assis fait gagner des surfaces de logements dans les combles.
En revanche, une des difficultés réside dans la structure en murs de refend et dans l’exiguïté des cours qui rendent parfois difficile l’agencement et notamment l’ajout des pièces humides – aux normes PMR – qui n’étaient pas prévues à l’origine. De même, les créations de trémies pour les nouvelles circulations verticales aux normes sont compliquées (planchers bois, etc) et onéreuses.
BÂTIMENTS DES ANNÉES 40-70 :
Ces bâtiments, prévus dès leur conception pour un usage de bureaux, présentent néanmoins des caractéristiques intéressantes pour leur transformation en logements. L’architecture de ces immeubles de bureaux basés sur une structure poteaux-poutres, leur épaisseur de 9 à 15m ainsi que leur hauteur sous plafond de 2,70 à 4,00m permettent aisément la conception des appartements conformes aux exigences actuelles.
Cette souplesse de conception est cependant contrebalancée par un coût de travaux relativement important : dépôt total des façades légères trop vitrées et non isolées, importants travaux de désamiantage, etc.
BÂTIMENTS DE 1980 ET PLUS :
Depuis les années 80 l’architecture d’immeubles de bureaux a dû répondre à des objectifs de rentabilité maximale, avec des caractéristiques de plus en plus spécifiques : épaisseur en double orientation jusqu’à 18 voire 20m, hauteur sous plafond de 3,50 à 4,00m avec faux-plafond et/ou faux plancher, façades très vitrées et planchers en béton parfois très fins.
Ces typologies de bâtiments sont moins facilement reconvertibles. Malgré la liberté offerte par la structure poteaux-poutres, les épaisseurs trop importantes des bâtiments imposent la création de patios ou de cours afin d’apporter l’éclairage naturel nécessaire aux logements.
Réversibilité bureaux en logements : transformation de la tour Orion à Montreuil
D’une façon générale, on s’aperçoit que les immeubles de bureaux des années 40-70 sont surreprésentés dans les projets actuels de transformation de bureaux en logements. La liberté d’agencement permise par la structure poteaux-poutres ainsi que leurs caractéristiques dimensionnelles proches de celles du logement en font les cas d’études les plus très intéressants et récurrents dans notre pratique récente.
C’est le cas de l’étude que nous avons menée à Montreuil pour la transformation de la tour de bureaux Orion en immeuble de logements dédié au coliving. L’étude de cet immeuble nous a permis par exemple de proposer l’adaptation de la trame des appartements à la trame classique de 1,35 m des plans des bureaux. Le découpage des logements s’adapte donc à la façade de la partie existante. Une nouvelle façade est proposée sur les extensions.
Il reste toutefois à noter que même si certaines conditions de reconversion sont remplies dans l’existant, les questions de la gestion des fluides, de règlementation incendie, d’isolation et de ventilation notamment restent largement à étudier dans le cadre d’un bâtiment réversible dès sa conception.
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Vivian Cloez Architecte, Associée
FORMATION
Architecte D.P.L.G – Ecole supérieure d’architecture de Paris-La Villette (2006)
DEA – Projet Architectural et Urbain – Théories et Dispositifs – Ecoles d’architecture de Paris-Belleville, La Villette, Malaquais et Université Paris 8 (2005)
DPEA – Architecture des territoires et projets urbains – Ecoles d’architecture de Paris-Belleville, La Villette et Malaquais (2005)
Diplôme d’architecte et urbaniste – Université Fédérale de Minas Gerais – UFMG, Belo Horizonte/ Brésil (1999)