Interview complète tirée de « La lettre Cité Verte » de Val’hor.
Comment intégrer la nature et le vivant dans des immeubles ou complexes de bureaux requalifiés ?
C’est devenu aujourd’hui incontournable et indispensable. Les salariés et les utilisateurs sont en effet en demande et en besoin de présence végétale. Cette introduction peut être envisagée selon deux modalités :
- La nature comme cadre végétal créé, qui permet de répondre aux besoins de biophilie, c’est-à-dire la nécessité de présence végétale pour le bien-être humain. Une terrasse réaménagée avec du végétal et un mobilier adapté génèrent de nouveaux espaces de travail en prolongement des espaces intérieurs.
- La nature « active », vecteur de sociabilisation, qui implique une action des salariés : Cela peut se traduire par un potager collectif (avec un éventuel encadrement didactique), de l’agriculture urbaine (avec un exploitant qui assure également de la pédagogie), ou encore un parrainage de plantes.
D’un point de vue technique, installer du végétal sur un bâtiment existant nécessite de vérifier la portance de la structure. Souvent, des terrasses très minérales sont déjà en place. Les toitures techniques sont également potentiellement de futurs rooftops si on se penche sur l’optimisation des équipements techniques et sur l’accessibilité. Végétaliser ne demande pas forcément des portances très grandes. Une épaisseur de terre de 30 cm peut déjà permettre de créer un paysage de prairie herbacée qui apporte de la biodiversité et un cadre végétal agréable pour travailler ou faire une pause détente.
Quelle place accordez-vous à la végétalisation des espaces intérieurs versus les espaces extérieurs ?
J’ai tendance à préférer les propositions de végétalisation extérieure, qui assurent une plus grande pérennité. À l’intérieur, je privilégie une démarche qui associe le végétal à un salarié, pour que cette présence ne soit pas juste contemplative mais s’inscrive dans l’action. À l’agence nous avons par exemple proposé aux salariés qui le voulaient, d’adopter une plante, en prenant la responsabilité de l’entretenir, aidés par nos conseils.
Avez-vous constaté une évolution des attentes en ce sens, post pandémie ?
L’envie de pouvoir profiter d’espaces extérieurs verts était déjà présente depuis quelque temps, mais elle s’est clairement renforcée avec la crise sanitaire. De même que l’on sent une aspiration à une plus grande biodiversité et à des espaces végétalisées plus naturels.
Quelle a été l’importance de la maîtrise d’ouvrage dans l’encadrement et l’orientation du projet d’aménagement Evergreen ?
Le besoin et l’envie de terrasses et patios accessibles figuraient dès le début du projet. Avec la maîtrise d’ouvrage, nous avons affiné la programmation de chacun des espaces extérieurs. Ainsi les quatre patios du rez-de-jardin déclinent une palette végétale de petits arbres fruitiers (pommiers, néfliers, amélanchiers, noisetiers) en lien avec les terrasses accessibles depuis l’espace de restauration. Au 5ème étage, la terrasse de direction propose des bars à plantes, des comptoirs végétalisés d’arbustes à baies et de plantes condimentaires. Des poiriers complètent la palette. Quelques parois verticales sont aussi couvertes de vignes. Anticiper ces réflexions dès le début du projet architectural permet de concevoir la structure adéquate pour supporter les surcharges de terre nécessaires, surtout pour les arbres, ce qui est le cas d’Evergreen. Sans inclusion dès le début du projet, cela n’aurait pas été possible.
Comment avez-vous travaillé avec les autres professionnels du paysage ?
En amont, un des moments forts du projet est toujours la visite en pépinière pour choisir les arbres. C’est un moment d’échange riche d’enseignement avec l’entreprise de paysage, le pépiniériste et, le cas échéant, le maître d’ouvrage ce qui permet de le sensibiliser encore davantage à la question du vivant.
Une fois le projet livré, il est encore trop rare, pour nous concepteurs paysagistes, d’avoir la possibilité de suivre son évolution dans le temps, afin de réajuster éventuellement des plantations ou d’observer le comportement de celles-ci et d’en tirer des leçons pour d’autres projets. Mais c’est un suivi que nous arrivons petit à petit à mettre en place !
Sur Evergreen, le maître d’ouvrage s’est pleinement emparé du sujet pour s’inscrire dans une gestion intelligente qui favorise la biodiversité en incluant tout le site dans la réflexion, que ce soit pour le parc, les terrasses accessibles ou les terrasses techniques également végétalisées.
Le projet a obtenu le label BiodiverCity® l’année dernière (sans compter la certification HQE), avez-vous été impliqué dans cette démarche ?
L’agence Arte Charpentier est membre du Conseil international biodiversité et immobilier (Cibi) et, dans ce cadre, nous sommes particulièrement sensibles à toute démarche qui valorise la biodiversité pour le bien-être des usagers d’un lieu. Sur Evergreen, c’est le maître d’ouvrage qui s’est inscrit dans cette démarche et, en particulier, avec le label Biodivercity Life® qui récompense une démarche vertueuse de gestion des espaces plantés, en lien avec les aménités proposées aux usagers. En cela, le Crédit Agricole s’est montré très actif et précurseur. Par ailleurs, Arte Charpentier développe d’autres projets label Biodivercity®, comme le bâtiment tertiaire Tribecca dans le nouveau quartier Chapelle International de Paris.
Ce type d’aménagement est-il réplicable à d’autres échelles ?
Tout bâtiment, quelle que soit sa taille et qu’il s’agisse de tertiaire, de logements ou de l’espace public, peut, doit accueillir du végétal afin de mettre en réseau celui-ci dans l’espace urbain et contribuer ainsi au développement de la biodiversité, à la résorption des îlots de chaleur et à la gestion des eaux pluviales. Tout cela au bénéfice des humains que nous sommes…
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Nathalie Leroy Paysagiste concepteur, Associée
Directrice TerritoireFORMATION
Formation La Forêt-Jardin – École de permaculture du Bec Hellouin (2019)
Paysagiste D.P.L.G. – École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles
Diplôme de designer textile – École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris
PUBLICATIONS
Participation à l’ouvrage Les 101 mots du paysage, collectif, édition Archibooks, 2017
CONFÉRENCES
Intervention dans le cadre du Module Ville Durable – ESTP, Ecole Spéciale des Travaux Publics
Colloque sur la préservation des sols, octobre 2019 – CEREMA
Vidéo enregistrée pour le SIMI, sur le lien entre les Cycles du Vivant et la ville – CIBI
Animation d’une formation sur la coproduction de la ville avec les habitants. Depuis février 2020 – CADRE DE VIE
JURY
Le Havre, parc sportif paysager de Graville la Vallée