Arte Charpentier s’engage auprès d’associations aux missions variées, notamment Architectes solidaires et Rêves de gosse depuis plusieurs années.
Récit d’une mission humanitaire au Malawi
Cela fait quelques années qu’un ancien collègue et ami me parle des missions humanitaires auxquelles il participe parfois, dans divers pays éloignés, comme la Tanzanie, le Congo, l’Uganda… De pays lointains, de traditions, d’animaux, de paysages… Un beau jour, je reçois un message de sa part me proposant de partir au Malawi avec lui et son association « Coup de Pouce humanitaire » cet hiver pour construire deux classes d’école et une habitation pour des réfugiés. Je me souviens avoir répondu sans trop réfléchir : Oui !
Le vendredi 11 février, je partais donc pour Lilongwe, capitale du Malawi. Quelques semaines auparavant, j’aurais été incapable de situer sur une carte ce pays de vingt millions d’habitants, d’une superficie à peine supérieure à 20% de la superficie de la France, situé à 1000 mètres d’altitude au sud-est de l’Afrique, entre les terres du Mozambique, de la Tanzanie et de la Zambie.
Avant de m’y rendre, je m’attendais à une étendue désertique, mais j’ai finalement trouvé un espace tropical. Un pays verdoyant où les bananiers grandissent à vue d’œil pendant la saison de pluie.
Dès notre arrivée, nous nous rendons vite compte de l’état économique du pays. Malgré le fait que le Malawi soit le sixième pays le plus pauvre du monde, il profite d’une relative stabilité politique. Il reste depuis de nombreuses années la terre d’accueil de beaucoup de migrants.
La mission lancée par l’association “Coup de Pouce Humanitaire“ avait pour objectif d’aider cette population fragile: Les informations qui parviennent à l’asso font état d’un grand besoin de construction de classes de cours pour les enfants du camp de migrants de Dzaleka. L’association propose donc de participer à la construction de ces classes, sans avoir en soi des intentions architecturales. Les plans étant déjà conçus par des habitants locaux, l’objectif était d’aider à la construction et non pas à la conception. Cette mission, qui me tenait particulièrement à cœur, consistait à construire pour et avec les communautés locales tout en utilisant des matériaux biosourcés. J’ai ainsi dû mettre ma casquette d’architecte de côté. Pendant ce séjour, je me suis limité à comprendre les besoins des habitants et à les accompagner dans leurs projets.
Le Chantier
Les maigres fondations étaient déjà en place à notre arrivée. Le plan circulaire de cette classe s’inspire des procédés constructifs traditionnels du Malawi établis bien avant la période coloniale anglaise. Le corps principal du bâti est fait de briques et de bois et la toiture du bâtiment est en paille. En plus de pérenniser les savoir-faire locaux, cette solution a un intérêt particulier puisqu’elle permet une meilleure gestion thermique.
C’est parti pour la réalisation des chantiers. La météo ne nous aide pas toujours, la saison des pluies nous ralentit un peu mais les brouettes roulent, le béton est malaxé, les murs de briques montent, les toits de chaume s’élèvent, les enduits sont projetés et les dalles tirées. Avec une cadence soutenue, au bout de deux semaines, une seconde classe a vu le jour! Ce labeur est souvent ponctué de visites : la répétition de la chorale sur le chantier, la visite des enfants de l’école…!
La limite de construction en terre crue
Les fissures, infiltrations et effondrements du bâti existant en terre crue sont principalement dues à l’absence du respect des règles de base de la construction dans ce matériau. Il est vrai qu’il faut respecter quelques préconisations comme les toitures débordantes et les soubassement en dur (voir à ce sujet l’exposition TerraFibra du Pavillon de l’Arsenal).
La construction en terre cuite s’avère très coûteuse parce qu’il faut cuire les briques pour les fabriquer (à l’aide de bois). Par ailleurs, les briques en argile ne peuvent pas sécher pendant la période pluvieuse…et la pose devient quasi impossible.
Le mur d’une chambre de cinq enfants est tombé la nuit précédant notre visite. Au camp de Dzaleka, une maison sort difficilement indemne d’une saison de pluies. La maison dans le camp de réfugiés était pour nous le deuxième chantier. Une maison destinée à une famille nombreuse monoparentale qui compte sept enfants, dont trois handicapés. Comme Peter nous l’avait dit dès le début, le chantier de la maison ne pouvait être réalisé que en terre cuite. Pour les habitants de Dzaleka, l’habitat idéal est une maison en béton, une maison qui tient la saison des pluie. Bien que ravis de l’aide apportée, la terre crue ne porte pas, pour eux aujourd’hui, une image rassurante et durable. D’ailleurs dans plusieurs pays africains, ce matériau ne correspond pas à l’image de la modernité.
Arte Charpentier, dans une démarche environnementale, développe des solutions bioclimatiques passives pour valoriser l’ensoleillement, la ventilation naturelle, l’étanchéité du bâti et une meilleure protection de la chaleur. C’est le cas aussi pour notre projet actuellement en chantier au Bénin. Dans le cadre de cette vaste opération de construction, modernisation et extension d’un réseau de 29 marchés, Arte Charpentier, a voulu intégrer dans la mesure du possible des matériaux biosourcés et notamment la terre crue avant d’essuyer un refus des autorités locales, due à des contraintes techniques.
La recherche d’une modernité “à l’Occidentale”, faite de béton et d’acier, est omniprésente dans la conscience collective. Et ce, au moment même où en “Occident”, de nombreux architectes alertent sur leurs emplois systématiques. Plusieurs courants de pensée prônent une nouvelle forme “d’habiter le monde” et souhaitent le retour massif des matériaux biosourcés.
Comme le prix Pritzker 2022 Francis Kéré l’a expliqué: “travailler avec de la terre a des inconvénients. C’est pourquoi, ne dites pas à quelqu’un de chez moi [du Burkina Faso], que c’est joli, que c’est pittoresque ! Cela ne plaît pas. Regardez, la pluie, l’eau montante, le feu qui détruit les maisons avec tout ce que les gens ont comme réserves. C’est pourquoi ils veulent changer de vie. Et ce qu’ils voient, c’est votre méthode de faire, votre façon de vivre et votre façon de construire qu’ils veulent imiter.” (https://www.larchitecturedaujourdhui.fr/francis-kere-pritzker-prize-2022/).
Francis Kéré a développé des solutions de conception architecturale pour utiliser la terre crue de manière pérenne et viable. Son prix Pritzker est un signe d’espoir pour une nouvelle modernité durable, élégante et respectueuse de la nature.
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Evangelos Batagiannis Architecte
FORMATION
Architecte H.M.O.N.P. – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris la Villette (2016)
Architecte D.E. – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, Paris Val de Seine (2015)
Licence d’Architecture – école Nationale Supérieure d’Architecture de Paris val de seine (2012)
SEMINAIRE
«Patrimoine ancien, moderne et contemporain» – François Gruson