L’hybridation structurelle
L’exemple du centre international de Recherche et d’Innovation « In’Cube » de Danone à Gif-sur-Yvette
La Règlementation Énergétique (RE) 2020 des bâtiments neufs entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Cette réglementation innovante poussée par la transition écologique tient compte désormais des émissions du bâtiment durant l’ensemble de son cycle de vie.
Avec In’Cube, cette révolution normative est anticipée. Architecturalement, “In’Cube” traduit la rencontre singulière de deux visions, celle du groupe Danone, engagé au niveau international pour l’innovation, la santé par l’alimentation, l’environnement durable et la recherche de la meilleure qualité de vie et de travail de ses collaborateurs, et celle de l’architecte qui spatialise cette vision en intégrant dans sa réflexion la technique, la durabilité, l’économie circulaire mais aussi les usages pour fabriquer un lieu propice à l’épanouissement et la créativité des collaborateurs de Danone.
Cette ambition conjointe va permettre de réaliser un centre d’excellence unique, largement connecté au monde et exemplaire dans le registre du bâtiment Bas Carbone, notamment grâce à l’utilisation omniprésente du bois et à d’autres matériaux à très faible impact environnemental.
La transition énergétique va-t-elle de pair avec la notion d’hybridation ?
Abritant des usages mixtes, des parkings enfouis au tréfonds de la construction dans un sol gorgé d’eau, un socle au niveau des voies publiques où est installé un Pilote (lieu de fabrication de pâtes à tartiner et de yoghourts), alors qu’aux étages supérieurs se trouvent des plateaux de laboratoires de recherche et d’innovation, des lieux d’accueils et enfin des bureaux, le projet intègre une conception originale.
La question de la mixité des usages a favorisé une réponse architecturale autour de l’hybridation du mode constructif en mettant en avant et en adéquation le bon matériau, son usage et sa performance au regard du coût, de sa pertinence technique et des délais d’exécution.
Cette approche de l’hybridation nécessite un grand savoir-faire dans l’orchestration des différentes disciplines et dans les interactions des architectes, des bureaux d’études et de la maîtrise d’ouvrage. Elle demande une grande rigueur dans la gestion du travail collaboratif, puisque l’on sort des sentiers battus en termes de culture d’assemblage constructif.
En quoi le projet In’Cube fait preuve d’exemplarité en terme d’hybridation structurelle ?
Le modèle de construction adopté sur In’Cube va dans le sens de la transition énergétique. Le radier en béton bas carbone a été retenu pour limiter la déformation produite par les tassements différentiels (puisque le sol comportait un certain risque de tassement différentiel). Pour les ouvrages en contact du sol, le béton armé a été choisi, parfois précontraint pour des questions de performance de portée ainsi que des poutres métalliques pour leur légèreté et leur porosité qui permet le passage des fluides aérauliques. Et enfin, une construction bois qui mêle des planchers en CLT et des poteaux en bois.
In’Cube fait la part belle à la préfabrication réduisant par-là les nuisances sonores sur le chantier. La préfabrication est un gage de qualité, réduisant ainsi les délais de réalisation. La conception d’In’Cube profite d’une chaine informatique savante, de la conception opérée par l’architecte et les ingénieurs à la réalisation par les entreprises selon des logiques de procédés industriels informatisés sur toute la chaine, de la conception à la réalisation.
Quels sont les enjeux majeurs de ce type de construction ?
Il faut appréhender cette notion de fabrication de projet de manière globale et non parcellaire, en particulier en cas d’hybridation des modes constructifs. Les sujets d’ordres architecturaux, techniques, réglementaires, normatifs, d’usage et de confort doivent être traités simultanément. Le concept s’adapte et se déforme pour être itératif et ajuster la réponse dans sa plus simple expression. C’est à partir de cette approche, que la notion d’hybridation structurelle prend son sens. Il est tout aussi important de s’entourer d’experts rompus à l’ensemble des procédés constructifs que d’être aguerri aux interactions entres les disciplines pour apporter une réponse juste et pertinente.
Si l’épaisseur du complexe de planchers dépend fortement de leur portée, son adéquation technico-financière peut en être chahutée si, dès la conception, ces éléments ne sont pas pris en compte. L’épaisseur des planchers, qui intègre un feuillé composé d’un résilient acoustique, de fluide aéraulique est un facteur clé des bâtiments tertiaires multi-étages car elle détermine le pas d’étage et par là même la hauteur de l’édifice dont le plafond est fixé par les documents d’urbanisme.
Enfin, la parfaite maîtrise des phénomènes dynamiques de déformation, de tassement différentiel, de poinçonnement et de cumul de flèches doit conforter les architectes et les bureaux d’études à faire les bons choix pour parfaire la stabilité des ouvrages et limiter les déplacements ou les amplitudes de déformations.
Comment la règlementation accompagne la construction bois ?
Si les DTU et Eurocode déterminent des valeurs limites de calculs et de coefficients de sécurité normatifs, c’est sur des critères de confort et d’interactions avec les éléments de second-œuvre que les compatibilités s’opèrent. Là encore, ces réglementations normatives écrites à l’époque des Trente Glorieuses renvoient aux ouvrages en béton mais ne tiennent pas compte des propriétés mécaniques du matériau bois, puisqu’il est à la fois complexe, hétérogène et anisotrope.
Si nous avons les moyens d’empêcher les amplitudes dimensionnelles du bois en réduisant les échanges de vapeur d’eau dans l’atmosphère ambiante et par voie de conséquence les réactions du bois aux variations d’hygrométries, l’architecte doit prendre en compte toutes les précautions nécessaires dans la conception de son immeuble pour ne pas contrarier les déformations et en limiter les désordres. C’est en comprenant le matériau dans son essence que la construction devient pérenne.
Si la construction bois a quelques millénaires, il n’en demeure pas moins que la filière souffre de méconnaissance. Ce mode constructif massivement utilisé pour les charpentes est malheureusement confronté aux manques de visibilité normative et réglementaire. Si l’activité normative s’est développée à l’après-guerre dans les Documents Techniques Unifiés, elle traitait principalement d’ouvrages en maçonnerie et en béton armé. Aujourd’hui une veille technique d’impose pour récolter les retours d’expérience qui manquent cruellement à la profession et permettre aux concepteurs de tenir compte des avancés techniques empreintes d’ambitions environnementales.
En savoir plus sur In’Cube :
Danone Nutricia Research, la filiale en charge de la Recherche et de l’Innovation chez Danone, a débuté cette année la construction de son Centre International de Recherche & Innovation du futur sur la commune de Gif-sur-Yvette. Conçu et réalisé par Arte Charpentier, ce Centre sera au cœur du pôle d’excellence Paris-Saclay et hébergera fin 2022 les collaborateurs de Danone Nutricia Research actuellement basés dans le Centre Daniel Carasso à Palaiseau.
In’Cube sera implanté au sein de la « Communauté French Tech Paris-Saclay » qui accueille un cluster de recherche classé parmi les 8 plus importants au monde selon le MIT, représentant 15% de la recherche nationale, 90% de la recherche physique lourde.
Ce territoire aux portes de la vallée de Chevreuse, particulièrement bien connecté en raison de sa vocation économique et scientifique, a la particularité de s’insérer dans un cadre de vie et de travail privilégié, puisque 60% des espaces sont restés naturels, comptant des terres agricoles et des villages de caractère.
In’Cube témoigne de l’ambition affichée de créer un bâtiment très ouvert sur la ville et ses habitants, vertueux sur le plan du développement durable puisqu’il intègre les plus hauts standards en matière d’environnement. L’ensemble des activités tertiaires et laborantines s’articulent autour d’un vaste patio central qui agira comme un catalyseur pour favoriser la friction et les échanges auprès de l’utilisateur.
L’exploitation des énergies renouvelables par des panneaux de cellules photovoltaïques en toiture terrasse participe de cette stratégie environnementale et complétera l’apport d’énergie. Le futur bâtiment ambitionne ainsi d’être labélisé BBCA et certifié BREEAM et HQE, niveau Excellent.
-
Abbès Tahir Architecte associé,
Directeur ArchitectureDirecteur général délégué
FORMATION
Architecte D.P.L.G
Études d’architecture à l’école Paris-Villemin, ex U.P.A. 1
Inscrit au tableau de l’Ordre des Architectes Français
AFFILIATIONS
Membre de l’Académie d’Architecture
Membre Fondateur de l’association des « Amis du Lutétia »
DISTINCTION
Officier des Arts et des Lettres
Langues : Anglais Français